par ELIE COHEN NESSIM
Des centaines d’articles, même des livres, ont été publiés
décrivant l ‘AGE d’Or (1900-1950) des Juifs d’Egypte. La plupart
décrivent la vie douce et confortable de la classe moyenne et
aisée. Peu ou très peu ont décrit la vie amère des juifs pauvres.
Oui il y avait en Egypte des juifs très pauvres.
Dans une Egypte sans sécurité sociale, sans indemnités de chômage,
sans allocations familiales, sans retraite, sans instruction
gratuite, les pauvres – musulmans, coptes ou juifs – étaient
vraiment dans une extrême détresse.

Les musulmans démunis étaient éparpillés dans les quartiers
populaires. Les juifs pauvres et nécessiteux étaient tassés dans
le vieux quartier juif : Haret el yahoud, dans le quartier Mouski
au Caire.
A partir de 1880-1890, les juifs riches du Caire ont pris
conscience de la situation et sont venus au secours des pauvres.
Les besoins dans tous les domaines étaient énormes.

Une première œuvre de charité fut créée en 1887 par deux frères
ashkinazimes. La tâche était énorme et leurs efforts étaient
limites..
Un réel élan collectif a commencé en 1910 lorsqu’une loge du Bné
Bérith – aidée par une loge de Chicago – a pris le problème à bras
le corps.
La loge était composée de 27 membres ou frères, et présidée par
Elie Baroukh. Cette importante loge a été inaugurée le 11 avril
1911 et le nombre de ses membres s »élevait, en 1940, à plus de
150. Tous riches et actifs. Leurs objectifs étaient
principalement, l’enseignement et la santé. C’est l’infatigable
Simon Mani qui a joué un rôle important dans l’organisation et sa
consolidation des réalisations de la loge..
Mais
à partir de 1918 une sorte de rivalité apparaît parmi les juifs
riches pour aider les pauvres à s’en sortir. Certains créèrent
leurs propres institutions afin d’y inscrire leurs noms. Les
besoins de la Communauté étaient immenses et chacun à choisi un
secteur.
La première institution importante fut créée en 1917. Le généreux
Isaac Benaroio avait été frappé par l’aspect chétif et rachitique
des écoliers et écolières juifs. Il fonda « La Goutte de Lait. ».
Les enfants purent ainsi prendre le petit déjeuner avant de se
rendre à l’école.
En 1918, Abramino Ménacée fonde la Société Israélite de
Bienfaisance afin de pouvoir fournir des aides directes aux
nécessiteux.
En 1909 le « Bikor Holim » assurait les soins gratuits aux
malades. Puis le « Ozer Holim » de Lazare Salinas à partir de
1920.
Les besoins dans le domaine de la santé étant urgents, l’idée de
fonder un hôpital commença a germé en 1918. Une grande maison à
Garden City fut transformée en hôpital. Très vite il s’avéra trop
petit.
C’est en 1921, à la suite d’une souscription générale que fut
créée grand et ultra moderne Hôpital Israélite à Ghamra, dans la
banlieue du Caire. Le bâtiment de 4500 m2 édifié sur un terrain de
12000 m2, comptait 190 lits (dont 100 gratuits). Avec ses
installations ultra-modernes, l’hôpital juif du Caire pouvait être
comparé aux meilleurs hôpitaux européens.
En 1921 également, Salomon Cicurel ouvre une école gratuite
d’apprentissage. Cours de broderie et couture pour les filles. Les
cours destinés aux garçons les formaient à différents métiers :
chemisiers, graveurs, ferblantiers, etc.
En 1922 – 1923, deux organisations voient le jour. Mohar
Habetoulot et Mattar Bessetter. Elles aident les filles à se
marier en les dotant. Elles aident les veuves à ne pas sombrer.
En 1840 – 1850, la population égyptienne était à 95% analphabète.
Lorsque le ministre français Adolphe Crémieux visita Le Caire en
1840, il constata que les garçons juifs n’apprenaient que les
prières en hébreu. Cet enseignement était assuré par des rabbins.
Il fit installer la première vraie école dans le quartier Juif.
Cette école a fermé ses portes en 1890.
En 1896, la solide « Alliance Israélite » s’installe rue Gameh el
Banatte. Vaste et belle école de 4500m2. Cette école comptait à
l’origine 400 élèves dont 120 filles. On y enseignait le français,
l’arabe, l’hébreu et l’anglais. Les études modernes sont presque
gratuites. Des milliers de juifs et de juives lui doivent une
grande reconnaissance pour l’enseignement de qualité qu’ils y ont
reçu.
En 1924, la famille Green a fondé au centre du quartier et dans sa
propre propriété une école des métiers.
A Abbassieh, l’école « Moïse de Cattaoui » pour les garçons et
l’école « Marie Suarès » pour les filles s’installent à leur tour.

En 1927, la Communauté du Caire ouvre son école, rue El Sebil à El
Abbasiah (banlieue du Caire). Elle est moderne et imposante. 1000
élèves dont 200 boursiers, bénéficiaient de l’enseignement de 120
professeurs.
D’autres écoles furent installées dans différents quartiers du
Caire. « Rachel Jabès » à Abdine : 300 élèves. 300 élèves
également dans le Lycée de Félix Sémama à Sakakini.
L’école « Betech » d’Abraham Betech à Héliopolis.
Au Caire, en 1940, à peu près 10000 jeunes scolarisés. 5000
fréquentaient les écoles juives. Les 5000 autres se répartissaient
dans les différents établissements de la capitale – Ecoles
religieuses, 2tablissements de la Mission Laïque Française, écoles
anglaises etc.
Le régime de retraite n’existant pas, les parents âgés étaient
pris en charge par leurs enfants. Pour y pallier Aslan Vidon
inaugure en 1934 l’asile de vieillards «Maïmonide » à Héliopolis.
C’était une belle construction, entourée d’un jardinet.
Grâce à la générosité de quelques-uns uns et à la solidarité de
tous, le quartier juif du Caire a pu être transformé. Ses
habitants ont pu être soignés, éduqués, recevoir une formation et
sortir de la misère.
Lorsque j’ai quitté Le Caire, en 1947, il n’y avait plus un seul
juif égyptien analphabète et les nécessiteux du quartier avaient
presque tous disparus.
Elie Nessim Cohen
Le Kremlin Bicêtre
le 15/12/2006
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