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Pendant longtemps et
jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, Nous avions vécu en
Egypte sous le régime des "capitulations". Voici ce dont il s'agissait
:
À la fin de la
première guerre mondiale - celle de 14/18 - la Turquie, l’empire
Ottoman de l'époque, - alliée de l'Allemagne et suzeraine en Egypte,
avait dû en capitulant, donner à ce pays son indépendance.
Indépendance toute relative, puisque le Khédive Ismail, souverain
désigné, s'était mis sous la protection des Anglais.
Contre cette
indépendance relative accordée aux Egyptiens, ceux-ci avaient concédé
certains privilèges aux colonies étrangères vivant en Egypte.
Premier de ces
privilèges : les tribunaux égyptiens n'avaient pas le droit de juger
les ressortissants étrangers. Seuls les "Tribunaux Mixtes" créés à cet
effet avaient compétence pour connaître de toute affaire ou de tout
litige impliquant un étranger.
Même si tous les
autres intervenants dans un contentieux étaient égyptiens, il
suffisait de la présence d'un seul étranger pour que l'affaire soit
confiée aux Tribunaux Mixtes.
Les plaidoiries se
faisaient en français. Les juges rendaient la sentence "au nom du Roi
d'Egypte", mais ils étaient tous étrangers, désignés par les pays
signataires des "capitulations".
L'émulation entre
les différents pays avait fait bénéficier ces tribunaux du dessus du
panier des juristes.
Autant dans le civil
que le commercial, le correctionnel ou le pénal, ces tribunaux, grâce
à la qualité et à la compétence de leurs juges s'étaient fait une
réputation remarquable et avaient créé des jurisprudences souvent
reprises par des juridictions du monde entier.
Avoir son affaire
jugée par les Tribunaux Mixtes représentait une garantie de sérieux et
d'efficacité. D'où la recherche par tous ceux qui le pouvaient, d'une
nationalité les mettant sous la protection des Tribunaux Mixtes afin
d'échapper à la juridiction égyptienne
Toutes les astuces
étaient utilisées pour se trouver des ancêtres ayant une nationalité
étrangère... et, à défaut s'en inventer.
Ainsi lors d'un
grand incendie, les archives de l'état civil de la ville de Livourne
en Italie avaient brûlé. Pour les reconstituer, les autorités
italiennes avaient invité tous leurs ressortissants résidant à
l'étranger de se présenter dans les consulats, accompagnés de deux
concitoyens qui devaient déclarer, sous serment, que l'intéressé était
originaire de la ville de Livourne.
Cette déclaration
était suffisante pour conférer à ce quidam (et à toute sa famille) la
nationalité italienne, lui faire obtenir un beau passeport tout neuf
et, par voie de conséquence, le faire bénéficier de la protection dont
jouissaient les étrangers, en particulier accéder à la juridiction des
Tribunaux Mixtes.
Ce même Monsieur,
devenant italien pouvait, à son tour, servir de témoin à un autre
postulant qui lui-même, etc... etc... C'est fou ce que l'Egypte a compté de Livournais !
Encore que ces
manœuvres puissent paraître aujourd'hui répréhensibles et peu
honnêtes, elles s'expliquent - sinon se justifient - par la nécessité
du petit bourgeois juif de se mettre sous la protection d'une
juridiction lui permettant de sauvegarder ses droits.
Mais parallèlement
des margoulins et des filous de tous calibres s'arrangeaient pour
bénéficier de certains autres privilèges.
Par exemple, aucune
descente de police chez un étranger ne pouvait se faire sans la
présence d'un représentant du consulat dont dépendait le justiciable.
Quelques Égyptiens
astucieux et aux activités peu recommandables créaient des sociétés
auxquelles ils faisaient participer fictivement un étranger,
généralement un pauvre diable qui, moyennant une maigre redevance,
concédait la protection de son passeport.
Ce manège se
pratiquait aussi chez quelques tenanciers de bars louches ou de
commerce de prostitution.
La police qui, après
enquête voulait effectuer une descente, devait au préalable s'adresser
au consulat et demander la présence d'un représentant consulaire. D'où
perte de temps dont profitait le délinquant pour rendre le flagrant
délit quasiment impossible.
Lorsqu'une personne
était interpellée par la police dans la rue, la réplique était -"Ana
Hemaya ! (je suis protégé) sous entendu "par ma nationalité
étrangère").
Quelles ont été les
nationalités réelles ou retrouvées ou inventées de tel ou tel groupe,
je n'en sais trop rien ! D'ailleurs comment se retrouver dans la
mosaïque des nationalités et des origines composant le conglomérat de
l’époque ? Et particulièrement dans la communauté juive : des
Britanniques parce qu’un ancêtre était originaire de Gibraltar ou de
Malte, des Français originaires d’Algérie, des Grecs originaires de
Salonique, et bien entendu… des « Livournais ».
Une anecdote à ce
propos. Un ami, à qui l’on demandait comment et pourquoi il possédait
la nationalité italienne, avait répondu "parce que le consulat
d'Italie était plus près de la maison que le consulat de France". |
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